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SOS Sekolah
12 juin 2006

Extrait du récit de terrain d'Elisabeth Inandiak

Elisabeth Inandiak est journaliste, écrivain française, et vit à Yogyakarta depuis un certain temps... Depuis le début de la catastrophe, elle donne tout son temps et son énergie à aider les victimes d'un petit village, laissé pour compte dans le processus de secours officiel... Elle travaille avec les SAR, un groupe de jeunes étudiants indonésiens bénévoles, et bénéficie aussi de dons venant de France pour leur action... Ayant pris contact avec elle, car nous voulons travailler avec cette équipe humaine et effectuant un travail remarquable sur place (ils pourront nous aider notamment à cibler le terain d'action de SOS Sekolah, car ils connaissent très bien les lieux), Elisabeth nous a envoyé ses récits sur les actions menées au village de Bebekan...

En voici des extraits....


« Tout avance assez vite et bien. Les villageois n’ont plus de souci de nourriture à présent. Vendredi soir, j’ai fréquenté les couloirs de l’hôtel Mercure où logent toutes les ONG, la presse etc… J’ai réussi à récupérer deux malles de médicaments des Sapeurs Pompiers français qui repartaient et ne voulaient remporter ces stocks (200kg) avec eux. Comme toutes les notices sont en français, Sarah (ma fille) a passé la journée d’hier à traduire en indonésien la posologie de chaque médicament et de tout classer sur son ordinateur.

[… ]Il n’y a pas d’école dans le village même de Bebekan. Les enfants sont dispersés dans plusieurs écoles autour de Bebekan. Ils sont 60 à être scolarisés, de la maternelle au lycée, mais comme ils fréquentent les mêmes écoles que les enfants des 5 villages environnant, nous devrons acheter des fournitures scolaires (cahiers, crayons, cartables) pour l’ensembles de 5 villages, soit environ 250 enfants, car sinon cela ferait des jalousies bien légitimes.

J’ai rencontré aussi au Mercure le directeur du Centre Culturel Français de Surabaya qui m’a proposé d’inviter à Bebekan un marionnettiste français, Michel Lauber, qui fait en ce moment une tournée en Indonésie. C’est Michel Lauber, qui a émis le désir de se produire dans un village touché par le tremblement de terre. Sa troupe est de Lyon et s’appelle Turak. Nous organisons donc, demain mardi 6 juin, à 16h, une représentation de marionnettes dans les ruines de Bebekan. Nous invitons les enfants de tous les villages environnant et à la fin du spectacle, nous ferons la distribution de quelques fournitures scolaires, plus un goûter. 

[…] Hier soir, les sirènes d’alerte sur le volcan Merapi ont sonné pour évacuer les villages à 4kms du sommet, sur le versant est car de très longues coulées de laves et nuées ardents, 6kms, se sont produites. Nous étions tous ensemble à la maison avec Pompiers sans frontière et les SAR, et les pompiers sans frontières ont proposé à SAR l’idée d’une formation à long terme sur le secourisme autour du volcan Merapi. Il faut bien sûr qu’ils présentent ce projet à tous leurs membres et trouvent les fonds nécessaires, mais nous restons désormais étroitement en contact.

[…]Les pompiers français sont venus à Bebekan, l’un étant médecin, a organisé une visite médicale pour toutes les personnes souffrant encore de blessures ou de maladies diverses, tandis que les autres pompiers ont observé comment les villageois ont commencé à nettoyer les ruines et à démolir les murs vacillants. Ils leur ont donné quelques conseils de sécurité et pratiques, mais dans l’ensemble, ils ont trouvé que les villageois travaillaient parfaitement bien, bien que de manière archaïque. Un des étudiants du SAR leur a donné une grosse corde qu’ils glissent dans un trou supérieur d’un mur à détruire, qu’ils nouent puis à plusieurs ils tirent sur la corde et le mur s’effondre. Ils travaillent pieds nus, mains nues, sans masque. Les pompiers français leur ont donné tous les masques qui leur restaient et aujourd’hui nous leur avons acheté des bottes en caoutchouc, des cordes supplémentaires et des gants. Pour ce travail de déblayement, ils le font toujours selon la tradition du « gotong-royong », c'est-à-dire de l’entraide villageoise. Tous les hommes du village décident ensemble chaque jour de nettoyer les ruines d’une maison, et quand le travail est terminé, ils passent à la suivante. Ils vont en avoir pour plusieurs semaines mais ils travaillent très activement. Certaines femmes, également pieds nus dans les ruines, récupèrent une à une au milieu des débris, les briques encore intactes et les entassent délicatement sur le côté pour les recycler à la reconstruction.

[...]Le combat dans quelques semaines va devenir un combat bureaucratique pour obtenir auprès des autorités l’aide promise par le gouvernement, à savoir 30 millions de rupiah (2.800 euros) par maison détruite. Mais personne ne sait encore comment cette procédure va se passer. Les étudiants bénévoles indonésiens de SAR qui campent dans le village de Bebekan monteront « au front » de la bureaucratie indonésienne pour aider les villageois à obtenir cette aide. Aucun des habitants de Bebekan n’est un fonctionnaire, tous sont des paysans sans terre, ouvriers agricoles ou ouvriers dans le bâtiment, conducteur de cyclo-pousse. Ils n’ont donc aucun accès à la bureaucratie locale ni nationale. Ils n’ont d’ailleurs à ce jour toujours reçu aucune aide du gouvernement indonésien ( sinon en 11 jours

50 kg

de riz, 2 cartons d’huile et 4 couvertures) ni d’ONG étrangère, si ce n’est la visite médicale de Pompiers Sans Frontière. Votre aide financière a été fondamentale et les pompiers français ont été surpris des progrès réalisés dans ce village par rapport à d’autres villages où ils sont intervenus.

Les étudiants indonésiens me transmettant au jour le jour les nouveaux besoins : câbles électriques (plusieurs centaines de mètres), support de néons etc… J’ai demandé aux étudiants français et indonésiens de conserver toutes leurs notes, photos, les dessins d’enfants etc… pour dans quelques mois peut-être publier un petit livre sur l’histoire de Bebekan, sa destruction par le séisme, sa reconstruction, son financement «artisanal » par un réseau d’amis étrangers et par des bénévoles de SAR sur le terrain au quotidien, ainsi que l’histoire plus générale du village, des ses habitants, de leur culture locale, de leurs traditions et mythes.

 

Deux pompiers bénévoles de Pompiers Humanitaires se sont proposés de venir inspecter les maisons qui tenaient encore debout, toutes sont pratiquement à détruire sauf deux que les habitants voulaient détruire aussi car ils sont traumatisés à la vue de la moindre fissure même superficielle sur les murs. Les pompiers leur ont dit que ces deux maisons étaient en bon état. [...] Ils leur ont par contre dit de détruire en priorité une vaste masure chancelante au sommet d’un petit promontoire surplombant le chemin du village. SI la masure s’écroule, elle risque de tomber sur le chemin très passant. Mais les villageois nous ont dit qu’ils n’osaient pas l’abattre parce que c’était en fait un tombeau qui appartenait à une famille qui n’habitait plus le village. Il leur faut donc demander au préalable l’autorisation à cette famille.

[…]Les étudiants ont établi sur leur campement un rendez-vous médical chaque soir, ils nettoient les plaies avec des compresses stériles, donnent les médicaments prescrits par les médecins de passage. Ils tiennent une liste de tous les villageois qu’ils soignent avec leurs symptômes etc…

Ils nous ont montré une ancienne bâtisse qui abritait pendant quelques années une école maternelle qui a été abandonnée, faute d’argent pour fonctionner. La bâtisse est très endommagée, mais nous avons émis l’idée avec eux de la raser et de construire sur son emplacement un «sangar », une maison de la culture, soit un pavillon ouvert (pendopo) de 9m sur 8m avec une petite partie fermée par des portes en accordéon de « warung » (kiosque) pour y installer une petite bibliothèque pour les enfants. Les musiciens et danseurs de « réog » pourront aussi utiliser ce lieu pour leurs répétitions, et cet espace pourra abriter les diverses activités de l’après-midi pour les enfants.

        Nous allons avec un architecte bénévole et les gens de Bebekan établir des plans, le coût, sachant que ce seront les villageois eux-mêmes qui construiront le lieu sur la base volontaire du « gotong royong » (entre-aide villageoise). Mais ils veulent bien sûr travailler d’abord au déblayement des ruines avant toute chose, ce qui peut prendre encore plusieurs semaines.

En attendant, un ami nous a obtenu par l’ONG Atlas une vraie tente de toile genre armée (jusqu’à présent les villageois dorment sous des bâches en plastic suspendues à des bambous) sous laquelle nous allons organiser dès demain dimanche les activités pour les enfants. Les étudiants indonésiens établis en « posko » dans le village s’occuperont de ces activités.

[…]Le gouvernement a annoncé qu’il versera 90.000 rupiah (8 euros) par mois et par personne sinistrée (dont la maison a été détruite). Pour une famille de deux enfants, cela fait 360.000 rupiah (35 euros) par mois ce qui est déjà un petit soutien quand on sait que le salaire minimum mensuel dans la région de Yogyakarta est inférieur à 600.000 rupiah (60 euros). Le chef du village nous a dit que le total de l’argent lui sera remis et qu’il a la charge de la distribution. Mais il estime que tous les gens du village y ont droit, car même les rares personnes dont la maison a résisté au séisme sont affectées, toutes participent au gotong-royong, mettent tout leur temps et leur force de travail au nettoyage des maisons des autres et du village. Il répartira donc la somme totale à égalité entre chaque personne de Bebekan.

Il faut savoir que les gens de Bebekan ne demandent jamais rien. C’est nous qui les questionnons chaque jour pour savoir ce dont ils ont besoin.

 

Elisabeth »

 

 

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Commentaires
L
Bonjour, <br /> <br /> Pouvez-vous m'indiquer l'adresse e-mail d'Elisabeth D. Inandiak? Je voudrais prendre contact avec elle et proposer ma contribution à l'effort de reconstruction de son village indonésien.<br /> <br /> Merci d'avance.<br /> <br /> Louis Adandé
SOS Sekolah
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